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Raynaud par Raynaud au Mamac
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Lorsquon entre dans lunivers de Raynaud, on a souvent une expression de « déjà-vu ». Et pour cause, Raynaud utilise pour « faire art », des objets réels, du quotidien. Il sattache à mettre en scène des objets utilisés avant de devenir uvre dart. Il dit lui-même : « jexprime ainsi lidée que cet objet est dabord vivifié par la réalité et par les associations mentales quil motive ».<o:p></o:p>
Luvre qui ma le plus touché dans cette exposition, est un tas de pigments bleus (certainement en référence à un certain Klein ) enfermés dans une cage de plexiglas posée sur un rectangle vertical, carrelé, évidemment.<o:p></o:p>
En effet, dans cet accumulation de signes hautement symboliques (drapeau, sens interdits, micro des années cinquante, cercueils ) ce tout petit élément nous ramène aux sources même de lart : le pigment coloré grâce auquel les tout premiers artistes ont pu sexprimer. Mis en valeur par ce « pilier » si simple, luvre nous rappelle les origines de lart. <o:p></o:p>
Sil est vrai que Raynaud travaille énormément avec des couleurs aussi primaires que ce bleu, cette installation nest pas la plus représentative de luvre de Raynaud.<o:p></o:p>
Il est un artiste entier, jusque dans son quotidien puisquil à fait de sa maison un uvre dart (entièrement carrelé) puis un happening en la détruisant.<o:p></o:p>
De plus, il travaille sur des médias très différents, comme le montre Drapeau + micro qui met en scène le drapeau américain, un micro des années cinquante et neuf téléviseurs retransmettant limage du drapeau américain. Ici, Raynaud expose à la fois un objet, une image et limage de limage symbolisant lAmérique Mais au fond, tous ses drapeaux ne sont-ils pas de simple image, des non-uvres dart ? Pas pour Raynaud qui explique quils « comporte[nt] une forte charge émotive et affective selon notre pays et nos convictions ». <o:p></o:p>
En somme, Raynaud travaille sur tout, et ce nest jamais du nimporte quoi. Il tente, il pense pour nous laisser voir, revoir, ces objets quon a limpression de si bien connaître et quil réussit pourtant à révéler Avez-vous déjà eu loccasion dobserver de prés, avec attention et patience un pot de fleur ? Non ? Et bien allez voir ce que ça donne quand Raynaud le rempli de ciment
LF.<o:p></o:p>
votre commentaire -
Il y a quelques jours, je suis allée voir les travaux des étudiants dACL. Dans le cadre dun de leur TD, ils ont eu loccasion de réaliser des « livres objets », que nous avons eu le plaisir de découvrir dans une expo qui leur était consacrée. <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
Au cours de cet évènement, jai surpris, curieuse comme je suis, une conversation entre deux étudiants.<o:p></o:p>
La jeune fille expliquait au jeune homme que son professeur lui avait demandé dêtre plus « trash » (selon la jeune fille ), plus expressive, daller au fond de ses raisonnements... Elle a donc choisi dexposer des tampons hygiéniques sur un sapin de Noël Je nai pas bien compris ce que létudiante avait voulu exprimer car lexplication quelle en a donnée nétait pas très claire Néanmoins, le jeune homme a alors exprimé avec fougue son opinion sur ce que lartiste se devait de manifester dans son uvre : la revendication. Apparemment, le travail de létudiante et les remarques qui lont poussé vers ce résultat lui plaisaient beaucoup, et il a conclu la conversation en ces termes : « Si lartiste na rien à revendiquer, sil na pas de combat, il ne sert à rien » <o:p></o:p>
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Cela ma fait réfléchir au statut de lartiste, et je me suis amusée à imaginer la réaction quaurait pu avoir un Fra Angelico, un Vélasquez, un Monet ou un Duchamp face à ce discours.<o:p></o:p>
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Quest ce que Mantegna revendique dans son Saint Sébastien ? Contre quoi Van Eyck se bat-il quand il peint Les époux Arnolfini ? Lartiste est-il forcé de mener un combat pour être un Grand Artiste ? <o:p></o:p>
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Da Vinci a mené des batailles, cest vrai. Et toute une série même ! Mais elles étaient dirigées vers la science, le progrès, le désir de réaliser lirréalisable, daller toujours plus loin dans la découverte.<o:p></o:p>
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Un petit point dhistoire
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Les origines de lart se situent bien loin de la revendication Régis Debray, Norbert Hillaire, Bernard Blistène et tant dautres spécialistes et théoriciens de lart nous ont mainte fois rappelé que les premières uvres étaient avant tout rituelles, mystiques, chamaniques... <o:p></o:p>
Au fil du temps, les spiritualités sont devenues des religions, et lart a suivi cette évolution.<o:p></o:p>
Nul nétait donc choqué que les peintres ne représentent que des figures religieuses, cléricales ou encore des « descendants de droit divin » (Prince, Compte ), sans rien « revendiquer ».<o:p></o:p>
Est-ce à dire que les tableaux étaient dénués de sens ? Certainement pas ! Les uvres des plus grands peintres Italiens, Français, Allemands, de la Renaissance utilisaient, jouaient avec les codes religieux. Dune part, ils avaient pour but de glorifier leur référant, de magnifier et de pérenniser limage des puissants (Titien ; Charles Quint à Mühleberg, 1548) ou même de transmettre des valeurs bibliques (Greco ; Ladoration des bergers, 1614). Dautre part, ils sappropriaient, le temps dun tableau, les symboles les plus prégnants de leur société, pour exprimer leur propre sensibilité.<o:p></o:p>
Qui oserait dire que la Joconde nest pas une « uvre dArt » parce quelle ne sérige contre aucun problème fondamental de la société ?<o:p></o:p>
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Ainsi, il faut se souvenir que lun des premiers mouvements à avoir fait de la provocation dénonciatrice son mot dordre nest autre que Dada. <o:p></o:p>
Certes, certains artistes sétaient fait remarqué bien avant pour leur « pied de nez » à la société. <o:p></o:p>
Je pense notamment à Manet, qui, en 1863 ose « impertinemment » représenter une femme, ni déesse, ni vierge, et encore moins symbole de vertu, nue. Pire, cette femme semble bien être une « dévergondée », une prostituée. Quelques mois plus tard, il expose un tableau ou deux hommes, deux « contemporains » viennent de consommer un repas ou plus on ne sait en compagnie de deux femmes (« contemporaines » elles aussi) nues. Certains critiques laissent même entendre que la femme à larrière plan lave son corps des péchés quelle aurait commis avec les deux hommes <o:p></o:p>
Mais il serait maladroit de ne retenir que laspect provocateur de ces tableaux. En effet, ils sont aussi le résultat de recherches stylistiques, picturales. Manet tente de retrouver sous son pinceau le coté « primitif » de la peinture.. Finies les jolies coquilles doù naissent, comme par enchantement, des Vénus intouchables et éternelles. Halte aux fioritures des « Pompiers » où la fioriture en abondance, lidéalisation poussée dans ses plus extrêmes retranchements gâchait parfois la représentation. Manet cherche la beauté accessible, mortelle, éphémère, mais observable, palpable, réelle. <o:p></o:p>
Alors que Ingres rivalise de virtuosité pour déjouer les courbes du corps, détourner les formes naturelles pour embellir, ennoblir sa Baigneuse de Valpinçon ou dailleurs, Manet cherche la pureté dans la représentation franche et sans complexe dune Olympia qui, peut-être, un jour, a « déjeuné sur lherbe » avec quelques amis <o:p></o:p>
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Mais revenons au mouvement Dada, provocateur par excellence pour comprendre les artistes et les aspirations de ce courant bref (1915-1925) mais marquant. Certes, ils se donnaient pour but de scandaliser les bien pensants, de choquer le public, de revendiquer leur indépendance, de hurler leur liberté ! Et ils ont depuis, été largement entendus ! Tzara (fondateur du mouvement), déclare : « Dada est notre intensité. Dada est lart sans pantoufles ni parallèles, qui est contre et pour lunité et décidément contre le futur. »<o:p></o:p>
Néanmoins, il ne faut pas oublier que ce mouvement naît pendant une période complexe, difficile, qui entraînera, en 1918, la « Grande Guerre », « La Der des Der » <o:p></o:p>
Comment un homme peut il rentrer indemne (physiquement et moralement) de lhorreur des tranchées ? Comment lartiste peut-il se taire après lenfer de la guerre ?<o:p></o:p>
On pense évidemment à Otto Dix, qui, traumatisé par cette douloureuse épreuve, exprime sa peine, fait danser les morts[1]. <o:p></o:p>
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La société dans laquelle grandissent et évoluent les artistes joue forcément un rôle dans leurs manières de percevoir le monde sans pour autant les déterminer Car Dada ne sest pas contenté de revendiquer lenfer de la guerre industrielle, sa peur des grandes compagnies et son envie de choquer pour choquer.<o:p></o:p>
En effet, il serait injuste de retenir seulement lesprit provocateur des dadaïstes. Le mouvement a aussi réussit à réunir tous les arts ! Poésie, Peinture, Photographie, Architecture, Musique, Théâtre, Opéra, Chant. Les dadaïstes ont tout fait pour faire tomber les cloisons qui séparaient les arts entre eux. Et dans leurs désirs de défaire lart des carcans qui lemprisonnaient, ils ont tenté de se rapprocher du public, de franchir la frontière qui les séparait de la population en se réunissant dans des cafés et des bars ouverts à tous.<o:p></o:p>
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Si la Fontaine de R. Mutt (Alias Duchamp !) tente de décontenancer le marché de lart, quel est le but politico-économico-philosophique de La mariée mise à nue par ses célibataires, même ?<o:p></o:p>
Si la Soupape dadmission est une recherche « picabienne » sur lindustrie, elle est aussi une recherche sur lesthétique technicienne de mes machines si féminines aux yeux de lartiste <o:p></o:p>
Je préfère considérer ces deux uvres comme des études, des réflexions sur la machine, comme des interprétations intelligentes des bouleversements sociaux de lépoque que comme de simples « images choc ».<o:p></o:p>
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Et quels sont les « héritiers » directs des Dadaïstes ? Les surréalistes ! En effet, lorsque Breton se sépare du « clan dada », il fonde un mouvement qui propose aux artistes dexplorer leurs fantasmagories, leurs représentations inconscientes, leurs rêveries les plus invraisemblables au travers de techniques aléatoires. <o:p></o:p>
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Le plus connu dentre eux, Dali, a réalisé des tableaux merveilleux, tant au niveau technique quau niveau philosophique ou psychanalytique. Il a mis son imagination au service de lesthétisme, libéré son esprit pour livrer au spectateur son originalité, et le faire voguer dans des univers « étranges et inquiétants ».<o:p></o:p>
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Breton et ses acolytes prônaient la liberté absolue et hasardeuse, parfois même démesurée de lartiste, contre les contraintes subconscientes qui encerclaient la société. Leurs messages étaient forts, lécho de leurs idées retenti encore dans notre société, et même si les actes provocateurs auxquels ils se sont livré défraient encore les chroniques jaime à penser que ce nest pas le seul aspect que le grand public se donne à voir de nos jours.<o:p></o:p>
En effet, lorsque je suis face aux Reproductions interdites, aux Mémoires aux Décalcomanies ou aux Clairvoyances de Magritte, je suis en admiration. Je sais que Ceci nest pas une pipe, et je sais que ceci est du « Grand Art »<o:p></o:p>
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Enfin, que dire de ceux qui sont considérés comme les deux plus grands artistes de la fin du XXe siècle ?<o:p></o:p>
En effet, si Picasso a bel et bien exprimé sa rage, sa tristesse, son amertume face au massacre de Guernica, il a aussi su faire « exploser » au double sens du terme la sensualité des Demoiselles dAvignon. Sa Femme à la mandoline se contente de décomposer son corps pour nous laisser le loisir dexplorer létendue de sa beauté. Elle ne lutte pas contre la domination masculine, ni contre les armes chimiques Est-ce une raison pour considérer ces chefs-duvre comme de simples images ?<o:p></o:p>
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De même, le plus grand combat de Matisse na-t-il pas été de rechercher lexpressivité de la couleur et sa capacité sensible. Lartiste a cherché, au travers de ses pigments à émouvoir le « regardeur ». Que dénoncent La Raie Verte, La déserte, ou Icare, sinon un désir profond de changer notre regard sur les teintes de la vie ?<o:p></o:p>
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Je suis peut-être un peu « surréaliste », mais je pense que lart pour lart, la liberté de lartiste, la fantaisie esthétique (quelle soit attrayante ou non ) sont les seuls « combats imposés » auquel les artistes aient à faire face. Le génie créateur qui les caractérise doit, à lui seul, convier les publics à écouter leurs langages.<o:p></o:p>
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Si Warhol ou Koons veulent profiter de leur don pour dénoncer la société de consommation ( qui les nourrit ), cest leur choix. <o:p></o:p>
Si Christo ou Smithson veulent revendiquer leur amour des formes naturelles révélées par leurs installations, quils lexpriment. <o:p></o:p>
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<v:shape id=_x0000_i1027 style="WIDTH: 142.5pt; HEIGHT: 186.75pt" type="#_x0000_t75"> <v:imagedata src="file:///C:\DOCUME~1\Fraioli\LOCALS~1\Temp\msohtml1\01\clip_image005.jpg" o:title="christo%20mur"></v:imagedata></v:shape> Christo <v:shape id=_x0000_i1028 style="WIDTH: 168.75pt; HEIGHT: 165pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata src="file:///C:\DOCUME~1\Fraioli\LOCALS~1\Temp\msohtml1\01\clip_image007.jpg" o:title="13"></v:imagedata></v:shape>Smithson<o:p></o:p>
Cattelan <v:shape id=_x0000_i1029 style="WIDTH: 195.75pt; HEIGHT: 154.5pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata src="file:///C:\DOCUME~1\Fraioli\LOCALS~1\Temp\msohtml1\01\clip_image009.jpg" o:title="holly03"></v:imagedata></v:shape>
<o:p></o:p>Si Cattelan veut sindigner contre la pourriture qui règne à Hollywood, ou le culte de la jeunesse qui « enferme les vieilles dans des freezers » quil le fasse !<o:p></o:p>
Mais de là à dire que lartiste se doit de révéler au monde les malheurs qui lassaillent <o:p></o:p>
Alors cest moi qui minsurge, qui revendique, qui dénonce !<o:p></o:p>
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Lartiste ne doit pas suppléer le journaliste, se substituer au politique, et encore moins assister les médias dans leur quête du « toujours plus spectaculaire ». Il peut choisir de jouer sur dautres tableaux. Se contenter de révéler la beauté nest pas un défaut, un anachronisme ou une hypocrisie. <o:p></o:p>
Les Impression, soleil levant, Cathédrales et autres Nymphéas[2] me touchent parce quelles sont belles. Tout simplement. Parce que Monet a su me transmettre son regard dartiste et mémouvoir. <o:p></o:p>
Les Compositions de Kandinsky, les Mariées de Chagall, les Paysages de Mirò, sont autant de fantasmagories qui me permettent de voyager vers des univers jusqualors insoupçonnés <o:p></o:p>
Les installations de Carl André, de Serra ou de Smithson me font appréhender mes relations à lenvironnement et à lespace sans jamais me brusquer vraiment, en me laissant doucement expérimenter les milieux quils ont intelligemment transformés.<o:p></o:p>
De même, les Monstres de Vallero, les Exhibitions de Royo et les Vampires de Francès nourrissent et enrichissent mon imagination.<o:p></o:p>
Dailleurs, je remarque que ces deniers ne sont connus et reconnus que dans le cercle « intime » de la BD et du manga. Alors, non, il est hors de question que ces Artistes soient considérés comme « mineurs » parce quils ont décidé de se retirer, de se détacher des misères du monde pour se plonger dans dautres univers ou explorer le notre avec un regard averti. Lart nest pas avant tout esthétique, il est avant tout liberté. Et il ne faut pas confondre « esthétique » avec « beauté » <o:p></o:p>
Le public face à lartiste et vice vers ça
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Tout est une question dépoque, cest vrai. Et le public du XXe siècle ne peut avoir les mêmes attentes que celui des siècles précédents. De même, les artistes ne peuvent pas percevoir et représenter le monde de la même manière que leurs prédécesseurs. Lépoque, « les temps » comme on dit, fait que nous ne vivons plus dans le même monde que Botticelli ou Degas. Finalement, le « même » nexiste jamais vraiment, et la comparaison peut être dangereuse. Mais même si lon tente de considérer lart « avec son temps » comme le préconise Baudelaire, il me parait douteux de donner une plus grande importance au message social qui a provoqué la représentation quà la représentation elle-même. <o:p></o:p>
Depuis que Duchamp a décrété que « cest le regardeur qui fait le tableau », il me semble que le regardeur ne fait plus attention à celui-ci... Je mexplique Le spectateur ne considère plus luvre en tant que telle, mais en tant que message porteur de revendication, de dénonciation. Jai lamère impression que le public ne voit que ce quil veut. Sans faire appel à ses émotions spontanées, il a fini par oublier que lart se saisit avant de se comprendre. De même, lorsque luvre se donne pour but de donner à penser plus quà voir, lamateur dart peut espérer que le message soit intelligent ou spirituel. Mais je déplore que pour un jeune dune vingtaine dannée, la provocation suffise. Picabia disait « il ny a rien à comprendre, vis pour ton plaisir ». Et face à la réaction du jeune homme, je me demande sil a « vécu » luvre « pour son plaisir », et finalement, sil a au moins cherché à comprendre <o:p></o:p>
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Lart a mis des siècles à se libérer des contraintes qui lemprisonnaient, à se défaire des figures qui lui étaient imposées, et il se retrouve à nouveau pris dans un cercle vicieux , celui de la consommation-provocation.<o:p></o:p>
Alors que tant dartistes ont cherché à se rapprocher du public, celui-ci boude quand la revendication nest pas assez forte, pas assez sociale, pas assez « universelle » mais existe-t-il un universel dans lart ? Quand lartiste est trop personnel, on le juge vite individualiste. <o:p></o:p>
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Pour reconquérir un public perdu dans la loi des marchés, lart est allé jusquà simmiscer dans le réel (happening, performances, Land Art).<o:p></o:p>
Lart est devenu « Pop » en réinterprétant les symboles du réel[3]. <o:p></o:p>
Le réalisme sest rendu « Nouveau » en décollant les objets du quotidien pour les changer en Oeuvre d'Art[4].<o:p></o:p>
Et pourtant, le public ne prête attention quaux uvres qui choquent. Comme si lartiste se faisait porteur de tous les messages à visée sociale. Comme si en voyant une uvre qui dénonce linjustice, le regardeur (bien souvent Occidental ) tentait de se déculpabiliser, car lui, le spectateur, ne fait que regarder, il ne dit ni ne fait pas grand-chose face à linjustice. <o:p></o:p>
A plus forte raison lorsque cest un richissime collectionneur qui a fondé sa fortune sur lexploitation des « Ressources Humaines » des « pays en voie de développement » <o:p></o:p>
Que lartiste soit un « médiateur » entre lesthétique, le monde et lindividu est louable. Et dailleurs, lart a, depuis toujours, rempli la fonction de « médiation » entre plusieurs sphères (religieuses, politiques, populaires ). Mais quand lartiste se transforme en machine médiatique, en médias de masse, que reste-t-il de lart ? Ceci est une autre question <o:p></o:p>
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Notre monde nous semble plus impitoyable quil ne la jamais été, alors certains demandent aux artistes (Peintres, Plasticiens, Photographes, Chanteurs, Acteurs ) de sériger contre la misère et de dénoncer. Mais je ne crois pas que ce soit un rôle prédéfini, inhérent à la situation dartiste. Baudelaire, Hugo et même Zola ne revendiquent pas toujours Il existe des textes merveilleux sur la religion, la nature, la famille, lamitié, et bien évidemment lamour, qui ne nous enjoignent pas à combattre telle ou telle injustice, et qui sont pourtant des uvres dart !<o:p></o:p>
Jeff Koons lui-même a réalisé des uvres touchantes (Rabbit, Dog) <o:p></o:p>
Nous ne vivons pas dans un monde plus dur que celui du Moyen Age, de la Renaissance ou de lentre-deux-guerres.<o:p></o:p>
La différence est ailleurs : nous sommes informés, petits Occidentaux, de la misère infligée à dautre, des malheurs subis par des populations « sous-développées », du mal de vivre de notre voisin <o:p></o:p>
Lutilité de lart ?
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Et jen reviens à la conclusion du jeune étudiant : « Si lartiste na rien à revendiquer, sil na pas de combat, il ne sert à rien ». <o:p></o:p>
Effectivement, lartiste ne « sert » à rien Il nest daucune utilité. Il ne produit pas de « biens » de consommation nécessaire à la survie (nourriture, médicament ), il ne rend pas de « service » (ni social, ni téléphonique). <o:p></o:p>
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Lartiste na pas de fonction politique on ne vote pas pour Carl André contre Serra que je sache. Il na pas non plus de fonction productrice sil fabrique, ce nest jamais à des fins purement mercantiles.<o:p></o:p>
Faut-il rappeler que lart ne sert à rien, que ce qui différencie lartisan de lartiste cest que ce dernier ne cherche pas in fine la « fonctionnalité » ? Sil est vrai que des architectes comme Gropius ou Le Corbusier ont cherché à rendre leurs réalisations plus fonctionnelles, leurs objectifs nétaient pas moins artistiques puisquils ont tenté souvent avec succès dallier utilité et lesthétisme.<o:p></o:p>
Voilà un point fondamentalement artistique : lesthétisme. Ce nest pas utile socialement, ni politiquement, ni économiquement à proprement parler. Elle est différente de la beauté en cela quelle nembellit pas nécessairement le monde. Lesthétique, est-elle une valeur oubliée ? <o:p></o:p>
Quel paradoxe ! Je regarde un tableau parce quil me « point ». Japprécie une uvre parce quelle est esthétique. Le sujet, lobjet, la représentation, peut être moche à souhait, socialement laide, visuellement insoutenable cela nempêche pas un certain esthétisme. Boltanski qui a énormément travaillé sur les horreurs de la Shoah a mis à jour, au fil de son uvre ce quil a appelé « lesthétique de la douleur », une esthétique qui va au-delà de la beauté. <o:p></o:p>
Je ne dis pas que lart doit se contenter dêtre beau mais si lartiste naccompagne son uvre dun aspect, dune réflexion esthétique, alors quest ce qui rend son travail artistique ? <o:p></o:p>
Quest ce qui différencie le vendeur qui agence sa vitrine du plasticiens qui agence ses matériaux ? Cette autre question reste ouverte <o:p></o:p>
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« Ny a-t-il que les poètes qui puissent allier plaisir et rage ? »<o:p></o:p>
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Les textes de Renaud ou de Grand Corps Malade peuvent se permettre dêtre provoquant parce que ces auteurs savent faire déchanter les rimes, manier les sons aussi bien que les sens et utiliser leurs mots pour jouer sur les maux. Ils passent dabord par la poésie pour choquer, pour être libre, mais face à leur talent, leurs provocations paraissent bien petites <o:p></o:p>
Ny a-t-il que les poètes qui puissent allier plaisir et rage ? <o:p></o:p>
Lart contemporain ne pourrait-il pas, lui aussi, allier beauté et souffrance ? <o:p></o:p>
Pourquoi se limiter à la revendication quand le génie peut aller bien plus loin ? <o:p></o:p>
Lhomme est-il devenu un animal trop social pour être sensible ? <o:p></o:p>
Et puis, au fond, tous ces messages moraux, éthiques, sont ils utiles ? <o:p></o:p>
Le regardeur soit disant ignare se précipite-t-il souvent vers les associations caritatives après avoir lu le message choquant de lartiste en mal de publicité ?<o:p></o:p>
Est-ce vraiment sa fonction ?<o:p></o:p>
Quel est le statut de lartiste, sinon celui de pouvoir justement saffranchir des statuts si balisés de la société ?<o:p></o:p>
Peut-être est-ce lévolution logique dune histoire de lart qui ne saurait être une et indivisible. <o:p></o:p>
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En ce qui me concerne, je tacherait à présent de faire découvrir aux autres des uvres qui sont susceptibles de les toucher, avant dexpliquer à qui veut bien mentendre que lart est si important quand il fait réfléchir. La réflexion est importante, la beauté aussi, mais ni lune ni lautre ne sont essentielles au fond <o:p></o:p>
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Dans notre société de Consommation Communication absolue, lartiste doit, bien plus quen dautres temps, garder sa liberté.<o:p></o:p>
Il doit pouvoir représenter ce que sa muse lui inspire. <o:p></o:p>
Il doit pouvoir choisir de donner à voir et à penser ce dont il a envie.<o:p></o:p>
Il doit pouvoir séchapper des sphères mercantiles sans se détacher du public.<o:p></o:p>
Il doit pouvoir avoir le droit de chercher à émouvoir grâce à son langage, avant que démouvoir grâce à son message <o:p></o:p>
LF.
[1]Otto Dix : Danse des morts, 1924.
[2]uvres et séries de Monet.
[3]Warhol, Lichtenstein, Johns <o:p></o:p>
[4]Raynaud, César, Armand
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La critique dart face au numérique<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
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La mise à lindex de lart numérique est sans doute la plus sévère dans le champ de la critique dart. Il ny a pas de critique dart constituée et instituée dans le domaine de la création numérique en France. Certes, il existe bien une réflexion critique et esthétique, voire historique, sur la question. [ ] Mais cette réflexion émane dauteurs qui se sont spécialisés principalement dans lart numérique et, pour la très grande majorité, dartistes, de réalisateurs, de responsables de centres ou dexpositions. [ ]<o:p></o:p>
Les raisons du silence<o:p></o:p>
Au total, force est de constater que cette activité critique nest en aucune façon comparable à celle de la critique dart « officielle » pendant la même période c'est à dire une quarantaine dannées et quelle reste fortement marginale, même si les uvres et les artistes recensés sont moins nombreux. Doù la question : pourquoi un tel silence ? La réponse est complexe, car de multiples raisons interviennent. Mais on peut dores et déjà en relever quelques-unes. [ ]<o:p></o:p>
Il existe aussi dautres raisons et sans doute plus importantes, tout au moins après le début des années quatre-vingt-dix liées à la spécificité des techniques numériques et à la fonction traditionnelle de la critique dart. Cette fonction en effet, consiste essentiellement depuis le milieu du siècle dernier à servir de médiateur entre lart et son public, plus précisément entre lavant-garde, manifestation du génie singulier de lartiste, qui se doit dêtre en avance sur le temps du monde, et le simple amateur dart, qui, lui, ne vit pas à la même heure, qui retarde. Baudelaire a brillamment exprimé cette philosophie par ce mot fatal : « le public est, relativement au génie, une horloge qui retarde ». Lartiste vit dans les promesses du futur, le public dans la banalité du présent.<o:p></o:p>
Lon comprend mieux alors la mission de la critique dart depuis le milieu du XX°siècle : combler ce fossé, servir dintermédiaire, entre le génie et le commun des mortels, et par là même rendre esthétiquement légitime ce qui ne lest pas encore. Cette sorte de « décalage horaire » entre le génie et lartiste a été le fondement dune esthétique propre à la modernité qui na, depuis Baudelaire, cessé dimposer sa logique avant-gardiste.<o:p></o:p>
Les grandes innovations de lart qui ont suivi limpressionnisme (fauvisme, cubisme, abstraction diverses, surréalisme, etc.) nont fait que conforter cette logique, y compris les impertinentes innovations que Duchamp lança, dès le début du siècle, dans le monde de lart. Chaque « avancée » de lart devait être ressaisie par la critique et lhorloge du public remise à lheure de lavant-garde. Pour un temps du moins, plus ou moins variable, en attendant lapparition dune nouvelle avant-garde qui rendait obsolète la précédente. Ainsi sinstaura la fameuse « tradition du nouveau », selon lexpression dHarold Rosenberg.
<o:p>On note pourtant, aux alentours des années soixante, une première difficulté pour la critique à tenir pleinement son programme de médiation. Entraînés dans un vaste mouvement de déconstruction, les artistes sinterrogent sur lart et sur eux-mêmes, analysent le fonctionnement de la création artistique et la manière dont lart est socialisé, communiqué, médiatisé, institutionnalisé, officialisé, bref légitimé. Les artistes deviennent leurs propres critiques. Tandis que les médiateurs, tels certains commissaires dexposition, présentent leur travail comme des uvres dart à part entière. La critique aspire à lart. Aspiration qui nest pas nouvelle, déjà celle dOctave Mirbeau, mais qui se systématise. Il sensuit un certain état de confusion et de mélange des genres, de dé-spécification des fonctions de médiation analogue à la dé-spécification des techniques et des savoir-faire artistique. Une partie de plus en plus grande des institutions prend le relais de la critique, non pas tant en qualité de juge quen qualité de médiateurs incontournables entre lartiste et le public. <o:p></o:p>
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